Lors d’une campagne de Warhammer (2005, motorisée sous Brigandyne, 2015), j’ai buté à nouveau sur un vieux problème : le déséquilibre entre personnage (100%) combattant et personnage non (100%) combattant.

Lors d’une rencontre avec une adversité potentiellement hostile, le personnage non (100%) combattant tentait de résoudre les choses sans violence. Il faisait alors un jet de sociabilité. S’il le ratait, les choses dégénéraient et tournaient au combat où le personnage (100%) combattant maîtrisait généralement mieux la situation.

D’une part, il avait investi tous ses points dans les compétences martiales, là où l’autre personnage avait fait des compromis entre compétences martiales et compétences sociales.

D’autre part, s’il échouait un jet de dés… et bien il peinait un peu et effectuait une autre action avec un autre lancé de dés : initiative, attaque, parade, esquive, dommage, absorption, et rebelote. Statistiquement, les risques qu’il échoue étaient donc plus faibles que pour le personnage non (100%) combattant, qui devait tout miser sur un jet de dés, puis subir une situation qui lui était défavorable s’il ratait ledit jet.

Unifier et structurer les phases de jeu

La première piste de solution à ce problème qui m’est apparue est d’unifier le système pour gérer de la même façon, et donc avec le même nombre de jets, interaction sociale et combat, comme le fait Fate (2013) par exemple, avec sa structure fractale.

Ce n’était toutefois pas suffisant, car un autre déséquilibre existe : celui de la structure du jeu. Prenons un exemple révélateur : le decker à Shadowrun (2000). Quand celui-ci doit hacker un système de surveillance, il doit effectuer un grand nombre de jets de compétences variés, à l’image du street samouraï qui lutte pendant ce temps-là pour contenir les gardes de la sécurité. Mais voilà, la phase matricielle de Shadowrun est extrêmement longue et ennuyeuse pour tous les joueurs non decker car ce dernier est censé agir à l’échelle de la milliseconde tandis que leur personnage agissent dans des rounds de 6 secondes… Et il vient inévitablement l’interrogation “Mais ne pourrait-il pas régler tout ça en un seul jet, qu’on puisse enfin tous jouer ensemble ?”.

On pourrait aussi imaginer qu’à JRTM, les PJ décident d’aller au Mordor et que le meneur demande de faire un jet de Voyage et, sur une réussite leur annonce, “Plusieurs mois plus tard, vous arrivez au Mordor”. Cela serait toutefois très surprenant pour ce jeu !

Ce problème de structure, c’est ce que pointe Justin Alexander de The Alexandrian dans sa série de billets sur les structures de jeu (1).

Exemple
Joueur : Je veux explorer le donjon
MJ : Ok, fait moi un test d’Explorer donjon.
Joueur : Je réussis
MJ : Ok, tu élimines une tribu de gobelins et ressors avec un butin de 546 PO.
J. Alexander, Structures de jeu, chapitre 1.


Le choix de l’échelle de la structure, du micro (action à la milliseconde du decker) au macro (une plaidoirie de plusieurs heures réglée en un test de compétence), est parfois imposé par le système de jeu (multiple options de combats -armement, compétence, étape de combat- mais aucune règle sur la gestion de la vie quotidienne), parfois issu d’un arbitrage (“Tu veux construire un sous-marin ? Bon on va dire qu’il faut que tu fasse un jet de Négociation pour trouver le matériel, d’Ingénierie pour le concevoir et de Commandement pour t’assurer que les ouvriers ne fassent pas d’erreur”).

Une approche intéressante est à voir dans TrollBabe (2002) de Ron Edwards où, face à une adversité, meneur et personnage-joueur négocie pour déterminer s’ils résoudront l’incertitude en 1, 3 ou 5 jets de dés, en fonction de l’importance accordée aux enjeux de cette adversité. Les personnages estiment qu’il est crucial de négocier avec la police ? Cela se résoudra en 5 jets. Hacker le système de pilotage du taxi est important pour gagner quelques centaines de nuyens ? 3 jets de dés. Le combat contre les flics est finalement sans grand enjeux, ou tout simplement ennuyant ? 1 seul jet le résoudra.

Par ailleurs, ce jeu met l’accent sur la détermination des enjeux, donc du but par défaut, au début de chaque conflit (par exemple : calmer le prince pour qu’il ne commette pas un incident diplomatique). Et par voie de conséquence, cela détermine l’action par défaut (exemple : calmer le PNJ).

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(1) J. Alexander, 2012 (traduit par A. Briola en 2018 sur PTGPTB). Games structure (Structures de jeu) sur The Alexandrian