Qui revient de loin

Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

Tag - GN

Fil des billets

Les avertissements dans les jeux de rôles, préhistoire de la sécurité émotionnelle ?

Comme le montre une recherche dans le GROG avec le terme “avertissement”, on trouve depuis au moins 1984 des avertissements dans les jeux de rôles (cf. liste n°1).

Les avertissements de contenus et de déclencheurs font partie de la sécurité émotionnelle, comme l'explique Aetlas dans son podcast Les avertissements de contenu, et relèvent pour moi du "1er étage de cette sécurité émotionnelle" : la réduction des risques.

Toutefois, tous les avertissements présents dans les livres de JDR ne sont pas en lien avec cette sécurité émotionnelle. Il y a en effet une co-incidence entre la panique morale des années 1990 (l’âge noir) et les avertissements en lien avec "le satanisme, l'ésotérisme, la violence" ainsi que ceux qui rappellent la distinction entre "réalité" et "jeu/fiction".

D’autres avertissements concernent des libertés prises avec la réalité (notamment l’Histoire) ou le canon, ou encore les différences d’un jeu par rapport aux pratiques conventionnelles, quand ce ne sont pas des avertissements de divulgâchage pour les PJ vis-à-vis des “secrets” du MJ, ou pour les MJ vis-à-vis d'une œuvre.

Certains avertissements sont diégétiques (mise en garde contre Cthulhu, le côté obscur, etc.) quand d’autres enfin semblent servir un but markéting (cas sans doute "racoleur" de Kult, et que de  mémoire il était dit la même chose à propos du label "Black dog" de White wolf).

Pour certains jeux, les avertissements de contenu ont donc pu être une première étape de la réflexion et de la mise en application de la sécurité émotionnelle, même si cela a sans doute été parasité dans les années 1990 par la panique morale et le besoin éditorial de se protéger “dans l’urgence”, en mettant des boucliers sans réfléchir plus que cela à la problématique, voire en la niant. Et cela a sans doute été perçu de la même façon par les joueurs eux-même confrontés aux effets de cette panique morale (questions des “adultes”, perte des locaux, des subventions pour les clubs de JDR, etc.).

Et autant on peut regretter cette panique morale, autant celle-ci ne s'est pas basée sur rien. Les quelques faits divers -quand ils n'ont pas été des mensonges ou des erreurs d’interprétation- qui l'ont déclenché/nourri ont révélé au hobby une faiblesse qui n'était pas prise en compte, et qui l'a été par la suite, sans doute pour de mauvaises raisons (sécurité médiatique, sécurité économique & markéting) dans un premier temps (les avertissements des années 1990) puis de manière sérieuse (monde du GN nordique à partir des années 2000-2010).

Peut-être d'ailleurs que, comme le signale Vociférator, le fait que la Scandinavie ait été épargnée par la panique morale a favorisé chez elle une réflexion sereine sur le problème là où l'Europe de l'ouest et les USA réagissaient de manière panique.

On trouve ainsi trace dans un papier de 2010 qui fait le tour des GN nordiques "intenses" et de leurs outils, The Positive Negative Experience in Extreme Role-Playing, des réflexions théoriques sur le cercle magique et le bleed (respectivement en 2004 et 2007) et des exemples de jeux “extrêmes” utilisant différents outils de sécurité émotionnelle dans les années 2000 (notamment le walk out et les safewords) : Ground Zero (1998), The Mothers (Østergaard, 2007), Gang Rape (Wrigstad, 2008), Fat Man Down (Østergaard, 2009), Vasen (Bækgaard,  2010), etc.

On note aussi un premier article de Lizzie Stark en 2014 sur Leaving Mundania, A Primer on Safety in Roleplaying Games, qui sera suivi par d'autres articles.

Il semblerait toutefois que Laws of the night (1996), pour le le GN vampire Mind's Eye Theatre de White Wolf, aurait comporter quelques éléments de langage sur le sujet du bien-être d'autrui, notamment le fait qu'il ne fallait pas toucher un autre joueur. 

Et c’est en 2012 que la carte X de John Stavropoulos, issue des safeword du grandeur nature, lancera réellement le débat sur la sécurité émotionnelle dans le monde du jeu de rôle sur table.

Lire la suite...

« C’est pas du JDR », ou le continuum du rôle

En creusant la piste de la tradition danoise de scénarios, je suis tombé sur un article de Lizzie Stark (Freeform for Noobs) expliquant ce qu’était le freeform, qui peut définir cette tradition.

Au-delà de l’exposition intéressante de la polysémie de ce terme, elle introduit une notion qui a fait résonner plusieurs de mes interrogations sur les multiples formes du jeu de rôle (JDR sur table, GN, forum RP, cosplay…) et sur la volonté cartésienne des Français de tout mettre dans des boîtes, et donc d’exclure mutuellement les objets qui ne peuvent, ne doivent entrer dans plusieurs boîtes, où la rengaine « non, ça c’est pas du JDR » au sujet des storygames, du mouvement Jeepform, etc.

Cette notion qui lui a été soufflée par Juhana Pettersson (dont j’avais cherché en vain les ateliers de son GN adaptables à Monsterhearts) : le continuum « JDR sur table »-GN. Ainsi, il montre que le freeform est toute la zone poreuse entre ces deux pôles.

Tout de suite, il m’a paru logique d’étendre la notion sur un spectre plus large (des jeux de plateau au théâtre d’impro) et d’y inclure les storygames, qui se trouvent dans la même position que le freeform, à savoir une continuité poreuse s’étendant des jeux de plateau narratifs type Il était une fois… au freeform et englobant les JDR.

Voici ce que cela donne :

 

(Cliquer pour agrandir)

Qu’en pensez-vous ?

--

Ajout de décembre 2018 : On pourrait compléter ce schéma en y incluant le happening, cette performance artistique qui exige une participation active du public, faisant de ceux-ci des acteurs avec leur part d'improvisation -ce qui les rapproches des personnages-joueurs du jeu de rôle- en le plaçant entre le grandeur nature et le cosplay.

Le BDSM aurait aussi sa place, au même niveau que le grandeur nature, puisque qu'il s'agit d'un jeu de rôle entre (généralement) deux personnes et sans public. D'ailleurs, certains outils de GN et de JDR, comme les safe words et les cartes de sécurité émotionnelle, s'inspire du BDSM.