Dans la saga de la Romance de Ténébreuse de Marion Zimmer Bradley, Hali est un lieu très important. Lieu sacré, lieu cérémoniel, c’est aussi un lieu de mémoire, un lieu de témoignage des atrocités de la période la plus sombre de ce monde : les Âges du Chaos.
Hali, c’est en particulier un lac étrange et les ruines d’une tour de léronis, ces sorcier-télépathes à l’origine des plus grandes œuvres et des plus terribles armes de ce monde.

Dans les romans des périodes de la Redécouverte et post-Comyn, ces lieux sont souvent évoqués pour rappeler les désastres et la folie des Âges du Chaos : le lac, d’une part, composé d’un étrange gaz dense dans lequel on peut se baigner sans flotter et respirer, rencontrer une faune étrange mi-poisson mi-oiseau, et où l’on risque de s’enivrer, de s’endormir et d’oublier de respirer. Cette étrangeté est expliquée comme une séquelle d’un terrible, le Cataclysme.

Dans la trilogie du Feuglue rédigé par Deborah J. Ross en 2001-2004 à partir de notes de Marion Zimmer Bradley, on apprend diverses choses. Les évènements racontés dans ces livres sont présentés comme sûr (racontés d’un point de vue omniscient directement depuis les principaux acteurs de l’histoire) et comme canon car rédigés par une collaboratrice proche de MZB, d’après ses notes et avec son accord avant son décès.

Ces évènements se déroulent à l’époque des Cents Royaumes, au crépuscule des Âges du Chaos. On y apprend que le lac de Hali est déjà un lac étrange et une séquelle des abus au plus fort des Âges du Chaos. Varzil le Bon, personnage historique clé de l’Histoire de Ténébreuse, touche des ruines dans le lac et perçoit une très forte charge de mémoire et d’énergie résiduelles (Varzil est un Ridenow, dont le pouvoir psychique est celui de la perception des créatures et des choses extra-sensorielles et extra-dimensionnelles) et revit ainsi le Cataclysme à l’origine du lieu dans La Forge de Zandru (livre I, chapitres 13 et 15) : une terrible bataille entre un cercle de léronis (organisation fonctionnelle de télépathes pour effectuer des tâches formidables) de la dynastie des Aldaran et le cercle de la Tour de Hali, au service de la dynastie des Hastur. Les premiers déchainent sur la Tour et le lac de monstrueuses forces telluriques capables de briser la croûte terrestre à l’aide d’une énorme matrice artificielle animée d’une énergie non-humaine. Les léronis de la Tour répliquent en faisant jaillir une sorte de titan primordial du lac, en utilisant celui-ci comme une sorte d’utérus, pour s’y opposer. Au final, les deux cercles et la première Tour de Hali sont détruits, le lac radicalement transformé lorsque que son eau fut utilisée pour dissiper l’énergie déployée. C’est la première mort de Hali, dont la première Tour est oubliée à l’époque de Varzil et dont les quelques ruines jonchent le fond du lac.

(Les matrices sont des cristaux à l’origine et à la nature incertaine. Elles permettent d’amplifier, de catalyser et de stocker les pouvoirs et l’énergie psychiques des télépathes. Elles semblent ne pas être tout à fait de notre monde car elles peuvent exister en partie dans le Surmonde psychique et permettre à des créatures d’autres dimensions de pénétrer/vivre dans notre monde.)

Ensuite, dans Une flamme à Hali (livre V, chapitre 45), on assiste au sacrifice des télépathes de la seconde Tour de Hali lorsque la sœur de Varzil, Dynannis, partage avec tous les télépathes de la planète ses horribles souffrances alors que le feuglue consume férocement la tour et tous ses habitants. Cette terrible communion achèvera de convaincre tout Ténébreuse de signer le Pacte de Varzil et Carolin pour interdire l’usage d’arme et de laran (le pouvoir psychique) pouvant blesser quelqu’un au-delà de la portée d’un bras, sans mettre en danger celui qui y a recours. C’est la deuxième mort de Hali, dont la deuxième Tour existe depuis longtemps à l’époque de Varzil.

Dans l’épilogue d’Une flamme à Hali, si Varzil et Carolin annonce leur intention de reconstruire la tour : Varzil pense à proposer l’assistance de la Tour de Neskaya, fraîchement reconstruite après un désastre analogue, pour reconstruire Hali et son cercle en une génération et en envoyant Ellimara Aillard pour le diriger. Et Carolin, , roi des Hastur, de dire : « So we will have a woman Keeper at Hali after all. »

Ces évènements contredisent ceux racontés par MZB dans La Matrice fantôme publié en 1998. Et là encore, difficile d’invoquer les distorsions de l’Histoire racontée car les évènements sont vécus et présentés par les sens mêmes des acteurs au cours d’un voyage temporel.
Les deux personnages principaux sont ainsi appelés dans le passé par un Varzil le Bon agonisant en fin de vie. Ils y apprennent que le lac a été restauré par Varzil (en contradiction avec ce qui est raconté dans la trilogie du Feuglue) et que la Tour de Hali, menacée, est toujours debout à la fin de la longue vie de Varzil, tandis qu’elle n’est plus que ruines à leur époque. C’est la troisième mort de la Tour de Hali, qui ne sera jamais reconstruite.

Manifestement, le point final et la conclusion de la trilogie du feuglue ne s’accordent pas avec la situation dépeinte par MZB où l’hypothétique sacrifice de Dynannis n’a pas convaincu les léronis qui continuent à alimenter les guerres de seigneur, où Ellimara Aillard n’est pas devenue Gardienne de Hali mais une certaine et funeste Ashara Alton.

Les trois morts de Hali ne sont pas la seule incohérence entre la trilogie du Feuglue et le reste de la romance de Ténébreuse, exposant combien les livres de Deborah J. Ross sont inférieurs au reste de la saga, notamment par la volonté de les écrire à des périodes trop proches des autres romans, en y faisant figurer les mêmes personnages, les mêmes lieux, les mêmes évènements, sans même prendre la précaution de donner à ses récits un caractère partiel et partial, par exemple en les mettant dans la bouche d’un narrateur éloigné de l’action et de ses acteurs.