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Les 5 étages de la sécurité émotionnelle

Ou comment intégrer la bienveillance dans les pratiques.

En ces temps d’Halloween [époque à laquelle ce billet a été débuté], les parties de jeu de rôle sur les thèmes de l’horreur, du thriller et du gore sont nombreuses.

Toutefois, quand on joue à se faire peur ou avec les émotions fortes en général, il faut prendre des précautions pour profiter de l’effet plaisant et amoindrir les effets négatifs : se renseigner sur le film de monstres que l’on nous propose pour s’assurer qu’il n’y a pas d’araignées quand on est arachnophobe ; mettre sa ceinture dans les montagnes russes ; être à deux pour rentrer le soir dans les rues après avoir vu Saw 6 au cinéma.

Pour simplifier, il y a la bonne peur qui nous fait délicieusement frissonner et crier dans les salles obscures et fêtes foraines, et la mauvaise peur, celle qui nous gèle les entrailles lorsqu'un chien nous poursuit ou que notre voiture glisse sur une plaque de verglas.

Franchement, vous iriez dans mon roller coaster construit dans mon garage avec une vieille grue et de la récup, qui n’a jamais passé la moindre homologation ?Non ? Vous avez bien raison.

La sécurité, c’est la raison de se mettre en danger, l’excuse pour faire une action osée sans avoir peur des conséquences ou d’une “punition sociale”, bref l’alibi pour pratiquer des choses différentes, nouvelles, autres.

Si l’on sait qu’il n’y a pas d’araignées dans le film et que les ceintures de sécurité du roller coaster sont règlementaires, on peut y aller en confiance et profiter de la peur. Et assurer cette sécurité, c’est faire preuve de bienveillance à l’égard d’autrui en permettant “une confiance tacite, mutuelle et réciproque” (Dakayl, 2018).

Ce qu'est la sécurité émotionnelle

Commençons par définir ce concept :

La sécurité émotionnelle, c'est le sentiment d’être respecté, le droit d’avoir son mot à dire autour de la table, de ne pas se faire harceler, d’être honnête et de ne pas subir d’agression ou d’offense émotionnelle (P. Vecchione, 2018). La rupture de la sécurité émotionnelle se produit quand quelque chose dans la partie provoque la détresse d’un (ou plus) participant(s). On désigne parfois cela sous les termes d'« agression » ou d'« offense ». La sécurité psychologique, comme on la désigne parfois, c'est la “croyance partagée par les membres du groupe que le groupe est un lieu sûr pour prendre des risques” (A. Edmonson, 2016). C'est la confiance dans le fait que le groupe n’embarrassera pas, ne rejettera pas ou ne punira pas quelqu’un qui s’est exprimé. C'est un climat de groupe caractérisé par une confiance interpersonnelle et un respect mutuel qui apporte un confort aux membres. Cette sécurité permet au groupe de mieux travailler et de “performer”.

A noter que le français "sécurité" est une traduction approximative de l'anglais "safety", comme le précise le traducteur sur PTGPTB : "dans sa version originale, cet article (et tous les autres sur le même thème) fait un large usage du terme « safety » dans une acception bien précise n’ayant pas de réel équivalent en français. Il est ici à comprendre comme regroupant des notions de confort émotionnel, d’harmonie et de respect des sensibilités, en plus du sens plus classique du terme « sécurité »".

Par ailleurs, on trouve parfois les termes proches de sécurité affective, d'hygiène émotionnelle, ou encore de culture de confiance. On peut donc rassembler tout cela sous la sécurité émotionnelle.

De la sécurité à la confiance

La sécurité émotionnelle est nécessaire à la création de la confiance. Elle repose sur 3 éléments :

  1. se mettre à la place de l’autre (comprendre, adopter, accepter son point de vue) ;
  2. communiquer avec bienveillance (écouter, s’exprimer sans violence, ni jugement, ne pas blesser) ;
  3. être positif, relativiser sa position, s’observer pour se remettre en question, converger vers l’autre.

Elle se construit par donc par :

  • le consentement éclairé ("La partie sera un slasher dont on sera les victimes et il y aura des thématiques sur la faim et la mutilation ? Bon, ok, je signe") ;
  • la tolérance à la différence ("Heu... moi le truc de la faim, c'est limite..." ; "Et la taxidermie, les momies, le formol, ça passe ?" ; "Oui" ; "Ok, je modifierai mon scénar") ;
  • la réponses au harcèlement ("Écoute, il a pas envie d'expliquer pourquoi ce thème le dérange, alors arrête de lui demander pourquoi. Si ça te convient pas, tu peux ne pas jouer avec nous") ;
  • la résolution des conflits.

Mettre en application cette sécurité

1er étage : la réduction des risques

[Avertissement de contenu pour ce qui va suivre : Suicide ; maltraitance animale ; accident de voiture ; mort]

Appliqué au jeu de rôle, voici ce que cela peut donner. Imaginons que je mène le scénario du film Le 6e sens. Lorsque je présente aux joueurs cette soirée Halloween & JDR en club, je commence par un briefing pour les avertir des “déclencheurs (en anglais trigger warning) du scénario, que ceux-ci soient au cœur de l’histoire ou de simples rumeurs sans incidence, pour leur permettre de juger si celui-ci est fait pour eux. J’annonce ainsi qu’il y aura des enfants, des morts-vivants, des cadavres frais, de la maltraitance d’enfant, des meurtres, des suicides, des maladies mentales.

Cela permet ainsi au joueur A, pour des raisons personnelles (par exemple il a assisté à un suicide et ne veut pas y être confronter à nouveau), de décliner l'invitation alors qu’il adore les films d’horreur. Le joueur B dira "banco", exprimant son consentement de manière éclairé.

Tout cela sans en révéler beaucoup plus que ne le fait la bande annonce du film.

Bref, je conçoit pour la partie de JDR, pour la table de jeu, un système de sécurité émotionnelle avec :

  • une phase de réduction des risques : briefing et consentement en amont (charte, contrat social, avertissements, etc.) ;
  • éventuellement une phase d'ateliers pour se familiariser avec les autres joueurs/les outils (2e étage de la sécurité émotionnelle);
  • une phase d'alerte (3e étage) ;
  • une phase de gestion des risques (4e étage) ;
  • une phase d'aftercare (5e étage).
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Encadré : Une approche système

Pour être efficace, la sécurité émotionnelle doit "faire système" autant en intégrant l'amont et l'aval de la partie (les 5 étages) qu'à partir de quelques principes centraux qui crée une culture globale de confiance et de consentement : “La sécurité des joueurs est plus importante que la partie de JDR”.

On applique ainsi, comme l'explique Safe hearts de Monsterhearts, les 3 cercles des responsabilités, soit par ordre décroissant :

  1. Envers soi-même : s’assurer que l’on se sent bien, définir des limites, se surveiller - Se protéger ;
  2. Envers les autres : écouter leurs limites, observer leurs réactions, collaborer avec eux - Aider les autres ;
  3. Envers son personnage et l’univers : chercher l’agentivité, respecter la cohérence, exprimer la richesse de la fiction - Vivre ensemble des histoires exaltantes.

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Ensuite, juste avant la partie de JDR, j’établis le contrat ludique avec les joueurs, notamment en fixant les lignes, les voiles, voire les focus de cette partie (F. Sintès, 2012) :

  • les lignes sont des limites quant à la possibilité ou non d’intégrer, voire d’évoquer certains thèmes dans la partie ;
  • les voiles sont les thèmes que l’on accepte de voir aborder, mais sous réserve qu’on ne les décrive pas (on jettera un voile pudique dessus) ;
  • les focus sont les thèmes que l’on veut explorer, pour lesquels on souhaite une aide des autres pour les mettre en lumière.

Le joueur B insiste à ce moment sur le thème des violences sexuelles, qu’il souhaite que l’on voile, sans apporter d'explication. En tant que MJ, j'éviterai donc de faire intervenir le fantôme d’un homme violé. Les autres joueurs éviteront aussi d'amener des choses en se sens (par leur background ou autre).

Le joueur C trace une ligne infranchissable sur la violence animale, en expliquant que son chien a été percuté par une voiture la semaine précédente et que s’il vient jouer, c'est notamment pour se changer les idées. Il n’y aura donc ni scène d’accidents ni fantôme liés aux animaux.

2e étage : les ateliers

Une fois ce contrat ludique posé, j’aborde la technique de la carte X (par exemple, ce pourrait être d'autres outils et techniques), en expliquant que l’on peut la brandir à tout moment (ou le safe word, ou le signe gestuel équivalent) lorsque l’on se rend compte que, malgré les précautions sur les déclencheurs, les lignes et les voiles, un sujet très dérangeant émerge. Je donne un exemple : le cas lors de la scène du cycliste mort dans Le 6e sens, anecdotique pour le scénario mais qui pourrait rappelle au joueur B la mort hypothétique d’un de ses amis au collège.

Si l'outil est nouveau, si a fortiori l'on sait que la partie sera thématiquement et émotionnellement chargée, on peut aller plus que la simple explication et illustration de l'outil avec un exercice d’échauffement d’avant partie (ou atelier). Cela facilitera l’usage de cette carte X en abaissant les obstacles psychologiques, par exemple avec des tours de paroles où chacun raconte une brève anecdote choquante ou horrifique jusqu’à ce que tout le monde ait eu recours à la carte pour suspendre une anecdote.

3e étage : l’alerte

Ceci mis en place, nous disposons maintenant d'un système d'alerte qui peut être actionné par n'importe qui dès lors qu'une situation problématique est suspectée. Les 1er et 2e cercles de responsabilité jouent ici leur plein rôle : le joueur situation de gène ne doit pas hésiter à déclencher une alerte, et les autres joueurs doivent être vigilants à ne pas franchir/soulever les lignes et voiles déterminées en amont ainsi qu'au bien-être de leurs camarades. Ainsi, si un joueur ne peut lancer l’alerte sur sa gène (qu'il n'ose pas ou qu'il ne puisse plus le faire), les autres qui soupçonneraient la situation devraient immédiatement lancer l'alerte à sa place, quitte à ce que ce fois une fausse alerte.

4e étage : la gestion des risques

Las, le joueur D, en racontant comment il a rencontré sa némésis, évoque une scène complètement périphérique au scénario initial et au contrat social : un accident mortel de VTT d'un PNJ de son background. Le joueur B se remémore alors la mort d’un de ses amis il y a 20 ans, l'émotion le prend à la gorge et, au bout de quelques instants, fait le signe "X", les bras en croix. Tous les joueurs s'arrêtent, se tournent vers lui et demande "ça va ?" ; "Tu veux faire une pause ?" B reste figé une dizaine de seconde, D lui propose un verre de soda, que B prend, avant de déglutir : "Putain, c’est con, mais ton histoire m'a rappelé Hervé... laissez moi juste respirer un peu, et on reprend". T'es sûr, s'enquière C ? "Oui-oui, juste passant à la scène suivante." La partie continue, les autres joueurs étant attentif à B, qui semble avoir repris des couleurs.

Voilà une façon de gérer une alerte signalant un véritable malaise. Mais il y a d'autres façons de faire, car chaque personne et chaque situation problématique est unique. Parmi les façon de faire, citons la politique de la porte ouverte (pouvoir quitter la pièce, voire les lieux, à n'importe quel moment et sans s'expliquer), la démarche sociale « Personne ne sera blessé » / « Je ne vous abandonnerai pas », les outils de calibration (comme mes cartes de sécurité émotionnelle), etc.

5e étage : l'aftercare

Après la partie, le MJ debrief avec les joueurs, évoque la carte X et son utilisation. Les joueurs donnent chacun leur "étoile" pour la partie et leurs souhaits pour la suite. Puis c’est la distribution et l'utilisation des xp et le calage du planning de la prochaine séance. Le MJ demande à B s'il y a des trucs qu'il voudrait éviter, mais B répond que ça va bien, qu'il a juste été pris par surprise.

Dans le bus de retour, B et C discuteront un peu du "temps de Mireille", puis de Hervé et enfin du match de Saint-Étienne.

Tout cela concours au réconfort et à la "redescente" après la partie et donc à l'arrêt du bleed out, cette persistance hors jeu des émotions ressenties en jeu.

Bibliographie

Mise à jour de l'article en "work in progress" du 24/06/2019.

Faire du JDR dans l'oeuvre de la Geste des chevaliers-dragons

Réflexion développée initialement en 2016 puis dans le cadre du projet de campagne "Donjon de la dignité outragée".


L’oeuvre : 

Synopsis : À chaque fois qu'un dragon apparaît quelque part, un mal incurable nommé le veill se développe à cet endroit et se répand inexorablement. Tout être vivant, qu'il soit végétal ou animal, se trouvant dans la zone du veill devient fou, se transforme petit à petit en monstre et finit par mourir. Les seuls humains immunisés contre cette malédiction sont les vierges. L'Ordre des Chevaliers Dragons, uniquement composé de femmes vierges, a été fondé pour combattre et détruire les dragons à chaque fois que le veill se manifeste.

https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Geste_des_Chevaliers_Dragons 


Pour résumer, cela narre les histoires de divers chevaliers dragons en but avec le machisme d’une société féodale, avec le doute d’être à la hauteur de la tâche, avec la notion de sacrifice et avec des dilemmes politiques.

Cette série de BD a pour particularité, en employant les termes du JDR, d’être composée d’une suite de one shots sans ordre chronologique, le tout assemblé en une campagne anthologique autour du thème de l’Ordre des chevaliers dragons et des tragédies de ses chevaliers, avec quelques personnages secondaires pouvant se trouver à différentes époques de leur vie dans plusieurs albums. Le ton est tragique (les chevaliers rencontrent en général la mort et/ou la disgrâce) et épique à la fois (ils font des choses plus grandes qu’eux et impriment leur marque sur le monde).

La construction de cette série anthologique ne cesse de me fasciner et je cherche un moyen de la transposer en JDR.

Construction

Chaque album est « autoportant », ou indépendant :
  •     l'aventure ou la quête principale n'est pas une histoire à suivre (si un dragon apparaît dans un album donné, il sera tué dans ce même album) ;

  •     le(s) personnage(s) principaux sont des membres de l'Ordre des Chevaliers Dragons différents d'un album à l'autre. Contrairement aux séries mettant en scène des personnages récurrents, cela laisse une liberté totale dans le scénario : les protagonistes principaux ou secondaires peuvent quitter l'Ordre ou même mourir, le lieu de l'action peut être détruit… Cependant le lien constitutif de la série est maintenu par certains personnages (principaux ou secondaires) ou par certains lieux, communs à plusieurs albums ;

  •     à chaque album correspond un thème central (mis à part le premier) : le choix (T2), la famille (T3), le sacrifice (T4), la valeur (T5), l’incertitude (T6)…


L’univers

Les dragons

  • Les dragons apparaissent mystérieusement n’importe où (en plein milieu d’une ville, sous la terre, dans un volcan, sous l’océan…

  • Ils génèrent le veill, qui corrompt les corps et les esprits des êtres vivants, jusqu’aux minéraux,

  • la virginité des femmes est le seul rempart face au veill, 

  • cette virginité masque leur présence au dragon, 

  • seul l’os d’un dragon peut blesser un dragon,

L’Ordre

  • le paradoxe de la doctrine de l'Ordre, qui préconise aussi bien « l'Ordre ne se mêle pas de politique » que « un acte public, quel qu'il soit, est toujours politique » ;


Transformation en JDR

La construction

J'avais aussi réfléchi à y jouer sous forme d'anthologie comme la BD, avec des bonds de 25-100 ans entre scénarios, une notion d'héritage, etc.


Le dessinateur change d'un album à l'autre : instaurer un principe de MJ tournant ?

Le traitement de la virginité des chevaleresses 

La virginité, telle que présentée dans la geste, renvoie uniquement à l'hymen (même s'il y a des choses plus borderline qui sont évoquées, comme le sentiment amoureux, le doute de la féminité, etc.). Or cette virginité hyménéale est une construction sexiste.

J'avais donc imaginé des versions moins sexistes, car cela me gênait. Du coup j'avais plusieurs approches :

L'asexualité des chevaliers et chevalières (début de sexualité, ne serait-ce que sous forme d'émotion = perte d'immunité au veill), avec prise en compte des eunuques/castrées, etc.


La féminité (donc personnages post-pubères, mais prise en compte des personnes trans). J'avais achopper sur la façon d'explorer ces notions et de les interroger avec les joueurs, pour avoir des effets en jeu, notamment la sensibilité au veill, le drama, etc.


Si l'on adopte une approche "virginité tout court", on ouvre l'Ordre (et l'immunité au veill) aux hommes vierges (par choix, par circonstances, par leur histoire). Et l'on peut recréer une tension en exacerbant la vision du reste de la société qu'un VRAI humain, c’est quelqu'un qui a eu du sexe. la BD me semble quand même orientée "place des femmes", or cette approche focalisée sur le sexe gomme complètement ça. Mais ça reste un concept proche et jouable, donc légitime pour une adaptation. Et c'est plus simple à évaluer : le perso a sexé, ou pas. Avec des zones grises pour jouer sur le doute : la masturbation, c’est du sexe ? Et le sexe oral ? Et les rêves humides ? Et le viol ? Et si l'on se réveille après une nuit de beuverie à côté de personnes nues ? Une seule façon de savoir : affronter le Veil.


Ou alors, on dit que le Veil s'attaque aux mâles. L'Ordre est donc ouvert à toutes les femmes, vierge ou non, ainsi qu'à certains hommes : enfant, eunuque/castrat, hermaphrodite, abstinent ascétique, etc.


On pourrait utiliser le principe des sex moves d'Apocalypse World pour mécaniser la perte de l’immunité au veill et la tension générée par son maintien.

La mécanique

Pour l’aspect code de l’Ordre et son impact sur les chevaliers dragon en matière sociale et de capacités (la virginité des femmes est le seul rempart face au veill et elle masque sa présence au dragon, seul l’os de dragon peut blesser un dragon, l’ordre ne se mêle pas de politique, etc.), pour jouer avec ses transgressions, j’ai pensé au système de Crédo de Paladin mais le reste de la mécanique de ce système ne me convainc pas.

Pour l’aspect anthologique et le drama inter-perso, j’ai pensé à Lady Blackbird et à sa construction en chapitres reliés très lâchement et indirectement par des PJ/PNJ, mais cela implique beaucoup de boulot (création de pré-tirés ad hoc pour chaque chapitre).

L’aspect tragique, enfin, me fait penser un peu à Sombre par certains éléments, ou peut-être à MontSégur 1244 pour le peu que j’en ai lu.

Le principe des sex moves d'Apocalypse World pourrait mécaniser la perte de l’immunité au veill et la tension générée par son maintien.

Pour l’aspect med-fan, créatures monstrueuses corrompant la réalité, caste de chasseurs de monstre, dimension épique, j’ai pensé à Earthdawn, mais l’on perd la dimension tragique et la dimension drama inter-perso n’est pas particulièrement mise en valeur.

Pour Earthdawn, les parallèles que je vois sont :

  • Dragons > Horreurs

  • Veill > pouvoirs d’altération et de corruption des Horreurs (création de cadavéreux, ver de pensée, etc.)

  • Chevaliers dragon > Adeptes

  • Sœurs de la vengeance > Chasseurs d’Horreur

  • Arme en os de dragon > arme magique à filament créée à partir de dépouilles d’Horreur, de Noms d’Horreur ?

  • La virginité comme condition/protection > la notion de respect/rupture de la Voie de la Discipline ? Un interdit ? la consommation d’une drogue mystique à très forte dépendance et sevrage très dur ? Le corps comme une matrice et la magie brute pour les autres ?

  • L’Ordre > une architrame de groupe similaire aux légendes vivantes, à la Légion du crépuscule ?

  • « L’Ordre ne se mêle pas de politique » > une indépendance et une liberté d’action vis-à-vis de l’Empire théran, des Iopiens, du Bois de sang ?

Par contre pour l’aspect mortalité et tragédie, d’héroïsme de gens en fin de compte ordinaire et fragile, je ne vois pas trop, à moins de jouer des non-adeptes…

Et vous, comment transposeriez-vous l’univers et les principes de cette œuvre en JDR ?


La théorie de la fiction-panier, par Ursula K. Le Guin

A lire dans le cadre des réflexions sur le jeu en mode tend & befriend, cet essai d'Ursula K. Le Guin : La théorie de la fiction-panier (1986 ; traduit de l’anglais (US) par Aurélien Gabriel Cohen en 2018).

D'après Dr Hiatus sur Casus No, ça expliquerait "qu'au lieu d'avoir l'histoire d'un type avec son arme qui va défoncer un méchant, et qui devient le centre de l'Histoire même pour tout le monde, on peut raconter l'histoire de quelqu'un qui récolte des ressources ou des rencontres, et que ça change tout."

Chapô de l'article : "En mobilisant toutes les ressources de l’imaginaire et à rebours d'un storytelling dominant qui glorifie le Héros, l’écrivaine féministe Ursula K. Le Guin explore, dans cette traduction inédite d’un texte de 1986, d’autres possibles narratifs pour cueilleur·se·s d’histoires et d'avoine sauvage.

Héroïsme et cueillette, des plaisirs finalement similaires ?

Avant d'avoir lu l'article, je voyais un parallèle avec la thèse très intéressante de Marie Cheree Bellenger Prendre au sérieux les loisirs de prédation : chasse, pêche, cueillette et naturalisme dans l’estuaire de la Seine (2017).

Elle y montre que chasseurs, pêcheurs, cueilleurs et naturalistes vivent tous les mêmes 5 plaisirs :

  1. une immersion dans la nature  et  un  usage  exacerbé  des sens : la traque (remonter la piste des traces, rechercher les biotopes favorables aux cèpes, etc.);
  2. une émotion liée à la découverte  des  espèces  animales  ou végétales recherchées ;
  3. une envie de « capturer » ce moment selon des modalités allant de  la  coche de la check-list d'observation au  fusil  de  chasse,  en  passant par l’appareil photo et le panier ;
  4. pour  en  tirer  un  trophée, c'est-à-dire une preuve de la capacité du pratiquant à maîtriser son environnement, à s’y fondre (peau de bête, poêlée de champignons, album photos de papillons, herbier, etc.)  ;
  5. enfin, tous ces éléments construisent et s’appuient sur  une  certaine  définition  de  la « nature » comme locale, sobre, familière, accessible mais pour autant  difficile  à  apprécier  réellement, réservée aux initiés (connaissance des coins à truites, des heures et couloirs de migration, etc.).

Selon la même analogie, on pourrait créer des aventures non violentes (donc éloignées de la "chasse" ou de la "pêche" de monstres, d'ennemis) mais cherchant plutôt à découvrir des choses et à les transformer en souvenirs, façon "cueillette" ou "naturalisme".

Source.

Fiction-panier, fiction-lance, fiction-missel?

Après avoir lu le papier de Le Guin, j'avoue que je ne suis pas transcendé.

Déjà parce que je suis déjà convaincu, d'où mes réflexions sur le tend & befriend, que l'on peut sortir de la "fiction-lance" -pour reprendre l'analogie et l'image phallique- du héros trucidant ses ennemis. Ensuite parce que l'article n'apporte pas vraiment d’éclairage pratique sur la façon d’appliquer la théorie de la fiction-panier, et ce après avoir montré comment elle pet être de prime abord moins valorisée/valorisante que la "fiction-lance".

Enfin, cette lecture m'a donné l'impression qu'il manquait un élément au système qu'elle décrit, où elle oppose fiction-panier et fiction-épée.

Cet élément, c'est le 3e pôle des fonctions tripartites indo-européennes, que l'on connait notamment par la société des 3 ordres du Moyen-Âge : ceux qui travaillent (fiction-panier), ceux qui combattent (fiction-lance) et... ceux qui prient.

Je pense donc que l'on pourrait ajouter au système un 3e mode de fiction : la fiction-missel (ou fiction-crucifix ? fiction-prière ?).

Certes, dans nos sociétés occidentales la sécularisation a effacé grandement la spiritualité et brisé ces fonctions tripartites, mais il y eu une époque où il y avait des romans religieux, où le saint et la Passion étaient des thèmes centraux dans les discours et la "fiction", de même que les vertus religieuses (la foi, l'espérance et la charité ; la justice, la prudence, la force d'âme et la tempérance) et d'autres émotions et valeurs qui ne sont plus d'actualité (cf. l'amour courtois et le roman courtois ; les émotions collectives, notamment religieuses).

Bon, c'est très théorique car je ne pense pas qu'il y ait, du moins en France, beaucoup d'appétence pour jouer des aventures religieuses. Mais ça pourrait intéresser nos voisins anglo-saxons qui ont eu leur lot de JDR "bibliques".

Bibliographie

Les âges du jeu de rôle francophone - version 2021

J'ai enfin achevé mon texte sur les âges du JDR francophone (commencé en 2017-2018...) dont j'ai parlé à plusieurs reprises sur le forum Casus No, avec présentation/élaboration de versions intermédiaires.

Au final, le document fait 24 pages et vous le trouverez en lien : http://qui.revient.de.loin.blog.free.fr/public/JDR_Documentation/Les_ages_du_JDR_v4_20211024.pdf

Scènes nationales du jeu de rôle

Voici un rapide graphique pour essayer de visualiser les dates de début des scènes nationales du jeu de rôle. Ces dates sont soit celle de la traduction en langue nationale d'un jeu étranger (le plus souvent D&D), soit celle de la création du premier jeu nationale ou de la première revue locale sur le jeu de rôle, suivant laquelle s'est produite en premier.

(Cliquer pour agrandir)

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En gardant en tête le biais linguistique du GRoG (tenu par des francophones, parlant généralement en deuxième langue l’anglais), on observe que les scènes nationales de JDR les plus importantes sont, par ordre :

  1. USA et Royaume-Uni (68 %), ce qui est logique vu l'antériorité du JDR chez eux et la taille de la communauté anglophone (1,5 milliard de locuteurs)
  2. France (et Belgique wallonne, Suisse romande, Québec canadien ; 28 %), pour une communauté de 290 millions de locuteurs
  3. Espagne (1,6 %), pour une communauté de 577 millions de locuteurs
  4. Japon (0,6 %)
  5. Allemagne-Autriche, Italie (0,5 %)

Les mouvements rôlistes

Suite à une discussion sur Casus NO sur les théories et conceptualisations rôlistiques, où l'on s'est posé une énième fois la question de la manière de désigner les jeux "traditionnels" et les jeux plus "modernes", j'ai tenté une approche "écoles, mouvements et styles" à la manière de ce qui est fait en art et littérature (romantisme, baroque, cubisme, etc.).

Voici ce que cela donne dans une optique de frise chronologique, avec les âges du jeu de rôle en élément de comparaison :

(Cliquer pour agrandir)

Et voilà une autre présentation en mode tableau descriptif :

(Cliquer pour agrandir)

Qu'en pensez-vous ?

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Sources :

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