Réflexion développée initialement en 2016 puis dans le cadre du projet de campagne "Donjon de la dignité outragée".


L’oeuvre : 

Synopsis : À chaque fois qu'un dragon apparaît quelque part, un mal incurable nommé le veill se développe à cet endroit et se répand inexorablement. Tout être vivant, qu'il soit végétal ou animal, se trouvant dans la zone du veill devient fou, se transforme petit à petit en monstre et finit par mourir. Les seuls humains immunisés contre cette malédiction sont les vierges. L'Ordre des Chevaliers Dragons, uniquement composé de femmes vierges, a été fondé pour combattre et détruire les dragons à chaque fois que le veill se manifeste.

https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Geste_des_Chevaliers_Dragons 


Pour résumer, cela narre les histoires de divers chevaliers dragons en but avec le machisme d’une société féodale, avec le doute d’être à la hauteur de la tâche, avec la notion de sacrifice et avec des dilemmes politiques.

Cette série de BD a pour particularité, en employant les termes du JDR, d’être composée d’une suite de one shots sans ordre chronologique, le tout assemblé en une campagne anthologique autour du thème de l’Ordre des chevaliers dragons et des tragédies de ses chevaliers, avec quelques personnages secondaires pouvant se trouver à différentes époques de leur vie dans plusieurs albums. Le ton est tragique (les chevaliers rencontrent en général la mort et/ou la disgrâce) et épique à la fois (ils font des choses plus grandes qu’eux et impriment leur marque sur le monde).

La construction de cette série anthologique ne cesse de me fasciner et je cherche un moyen de la transposer en JDR.

Construction

Chaque album est « autoportant », ou indépendant :
  •     l'aventure ou la quête principale n'est pas une histoire à suivre (si un dragon apparaît dans un album donné, il sera tué dans ce même album) ;

  •     le(s) personnage(s) principaux sont des membres de l'Ordre des Chevaliers Dragons différents d'un album à l'autre. Contrairement aux séries mettant en scène des personnages récurrents, cela laisse une liberté totale dans le scénario : les protagonistes principaux ou secondaires peuvent quitter l'Ordre ou même mourir, le lieu de l'action peut être détruit… Cependant le lien constitutif de la série est maintenu par certains personnages (principaux ou secondaires) ou par certains lieux, communs à plusieurs albums ;

  •     à chaque album correspond un thème central (mis à part le premier) : le choix (T2), la famille (T3), le sacrifice (T4), la valeur (T5), l’incertitude (T6)…


L’univers

Les dragons

  • Les dragons apparaissent mystérieusement n’importe où (en plein milieu d’une ville, sous la terre, dans un volcan, sous l’océan…

  • Ils génèrent le veill, qui corrompt les corps et les esprits des êtres vivants, jusqu’aux minéraux,

  • la virginité des femmes est le seul rempart face au veill, 

  • cette virginité masque leur présence au dragon, 

  • seul l’os d’un dragon peut blesser un dragon,

L’Ordre

  • le paradoxe de la doctrine de l'Ordre, qui préconise aussi bien « l'Ordre ne se mêle pas de politique » que « un acte public, quel qu'il soit, est toujours politique » ;


Transformation en JDR

La construction

J'avais aussi réfléchi à y jouer sous forme d'anthologie comme la BD, avec des bonds de 25-100 ans entre scénarios, une notion d'héritage, etc.


Le dessinateur change d'un album à l'autre : instaurer un principe de MJ tournant ?

Le traitement de la virginité des chevaleresses 

La virginité, telle que présentée dans la geste, renvoie uniquement à l'hymen (même s'il y a des choses plus borderline qui sont évoquées, comme le sentiment amoureux, le doute de la féminité, etc.). Or cette virginité hyménéale est une construction sexiste.

J'avais donc imaginé des versions moins sexistes, car cela me gênait. Du coup j'avais plusieurs approches :

L'asexualité des chevaliers et chevalières (début de sexualité, ne serait-ce que sous forme d'émotion = perte d'immunité au veill), avec prise en compte des eunuques/castrées, etc.


La féminité (donc personnages post-pubères, mais prise en compte des personnes trans). J'avais achopper sur la façon d'explorer ces notions et de les interroger avec les joueurs, pour avoir des effets en jeu, notamment la sensibilité au veill, le drama, etc.


Si l'on adopte une approche "virginité tout court", on ouvre l'Ordre (et l'immunité au veill) aux hommes vierges (par choix, par circonstances, par leur histoire). Et l'on peut recréer une tension en exacerbant la vision du reste de la société qu'un VRAI humain, c’est quelqu'un qui a eu du sexe. la BD me semble quand même orientée "place des femmes", or cette approche focalisée sur le sexe gomme complètement ça. Mais ça reste un concept proche et jouable, donc légitime pour une adaptation. Et c'est plus simple à évaluer : le perso a sexé, ou pas. Avec des zones grises pour jouer sur le doute : la masturbation, c’est du sexe ? Et le sexe oral ? Et les rêves humides ? Et le viol ? Et si l'on se réveille après une nuit de beuverie à côté de personnes nues ? Une seule façon de savoir : affronter le Veil.


Ou alors, on dit que le Veil s'attaque aux mâles. L'Ordre est donc ouvert à toutes les femmes, vierge ou non, ainsi qu'à certains hommes : enfant, eunuque/castrat, hermaphrodite, abstinent ascétique, etc.


On pourrait utiliser le principe des sex moves d'Apocalypse World pour mécaniser la perte de l’immunité au veill et la tension générée par son maintien.

La mécanique

Pour l’aspect code de l’Ordre et son impact sur les chevaliers dragon en matière sociale et de capacités (la virginité des femmes est le seul rempart face au veill et elle masque sa présence au dragon, seul l’os de dragon peut blesser un dragon, l’ordre ne se mêle pas de politique, etc.), pour jouer avec ses transgressions, j’ai pensé au système de Crédo de Paladin mais le reste de la mécanique de ce système ne me convainc pas.

Pour l’aspect anthologique et le drama inter-perso, j’ai pensé à Lady Blackbird et à sa construction en chapitres reliés très lâchement et indirectement par des PJ/PNJ, mais cela implique beaucoup de boulot (création de pré-tirés ad hoc pour chaque chapitre).

L’aspect tragique, enfin, me fait penser un peu à Sombre par certains éléments, ou peut-être à MontSégur 1244 pour le peu que j’en ai lu.

Le principe des sex moves d'Apocalypse World pourrait mécaniser la perte de l’immunité au veill et la tension générée par son maintien.

Pour l’aspect med-fan, créatures monstrueuses corrompant la réalité, caste de chasseurs de monstre, dimension épique, j’ai pensé à Earthdawn, mais l’on perd la dimension tragique et la dimension drama inter-perso n’est pas particulièrement mise en valeur.

Pour Earthdawn, les parallèles que je vois sont :

  • Dragons > Horreurs

  • Veill > pouvoirs d’altération et de corruption des Horreurs (création de cadavéreux, ver de pensée, etc.)

  • Chevaliers dragon > Adeptes

  • Sœurs de la vengeance > Chasseurs d’Horreur

  • Arme en os de dragon > arme magique à filament créée à partir de dépouilles d’Horreur, de Noms d’Horreur ?

  • La virginité comme condition/protection > la notion de respect/rupture de la Voie de la Discipline ? Un interdit ? la consommation d’une drogue mystique à très forte dépendance et sevrage très dur ? Le corps comme une matrice et la magie brute pour les autres ?

  • L’Ordre > une architrame de groupe similaire aux légendes vivantes, à la Légion du crépuscule ?

  • « L’Ordre ne se mêle pas de politique » > une indépendance et une liberté d’action vis-à-vis de l’Empire théran, des Iopiens, du Bois de sang ?

Par contre pour l’aspect mortalité et tragédie, d’héroïsme de gens en fin de compte ordinaire et fragile, je ne vois pas trop, à moins de jouer des non-adeptes…

Et vous, comment transposeriez-vous l’univers et les principes de cette œuvre en JDR ?