Comment jouer la romance (et plus si affinité) ?

Si le thème de l'amour est utilisé de multiple façon pour tisser des intrigues dans le jeu, il peut aussi provoquer des crises au sein de la table de jeu.

Les lignes et les voiles

Les joueurs peuvent être mal-à-l’aise ou tout simplement insupportés par certains thèmes, ils peuvent avoir eu une expérience récente ou ancienne difficile et ne souhaitent pas la voir rappelée. La romance (et le sexe) sont donc potentiellement des cordes sensibles.

Par ailleurs, les joueurs peuvent douter des intentions de ceux dont les personnages sont impliqués dans la romance : Me drague-t-elle/il vraiment ? Comprend-elle/il bien qu’il ne s’agit que de role play, pas d’avance ? Est-ce que je n’ai pas l’air homo/salope, là ? Comment va réagir ma/mon copine/copain ? Est-ce qu’elle/il me trompe dans le jeu ? Est-ce une façon de me harceler ?

Pour éviter de créer des malentendus, une ambiance gênante ou pire, il vaut mieux se mettre d’accord à l’avance sur la présence de romance, voire de sexualité dans le jeu, sur la façon dont elle pourra être exprimée. A défaut, aborder ces questions dès qu’elles sont soulevées.

Quelques questions à poser :

  • •    Peut-il y avoir des histoires de cœur ?
  • •    Peut-il y avoir du sexe ?
  • •    Ces relations peuvent-elles être entre PNJ, PJ et PNJ, entre PJ ?
  • •    Les relations doivent-elles être strictement hétéro ou peuvent-elles glisser vers l’homosexualité, la bisexualité ? Doivent-elles être « normales » ou les déviances (comme la violence) sont acceptées ?
  • •    Ce type de scène doit-il être résolu en tête-à-tête avec le MJ ou devant tout le groupe ?
  • •    Les descriptions doivent-elles êtres juste évoquée ou peuvent-elles être plus détaillées ?
  • •    Aborde-t-on la question de la grossesse ?
  • •    Etc.

La conquête par Edmund Blair Leighton
Les femmes peuvent-elles être des prises de guerre dans votre jeu ? Jusqu'à quel point leur dégradation peut-elle être évoquée ?

Tout ceci doit rejoindre le contrat social des joueurs. Les lignes sont la séparation entre ce que l’on peut évoquer et ce que l’on n’évoque pas ; les voiles sont le degré de détails accepté jusqu’au moment où l’on tire un voile pudique sur ce qui se passe et ne concerne au final plus que les personnages et non plus les joueurs.

Dans How to get laid in every RPG session, la joueuse incarnant un homme érotomane avait ainsi déclaré dès le début que son personnage était bisexuel et qu’il mettrait tous les personnages (pas les joueurs !) dans son lit, et bien entendu tous les PNJ. C’était clair, les joueurs avaient l’opportunité de contester (lignes) ou mettre des limites (voiles) dès le départ. Cela c’est donc bien passé.

Dans What’s Love Got To Do With It, Part II: Bringing In The Lovin’ , Connie Thomson propose un classement de l’intensité CSA-style :

PG: Some flirting and kissing occur, but they’re pretty tame. Sex happens, but it’s acknowledged more than it’s detailed (“The rogue and the cleric disappear from the ball for a while, and when they return, appear flushed and breathless”). Romance has only a bit part in the game. Most gamers I’ve encountered have no issues with this level of intensity.

PG-13: Romance becomes more adventurous, and plays a supporting role. There’s more detail, more openness, more nudity.

R (or higher): Pretty much anything goes. The characters are sexual, sensual creatures and romance is definitely a key member of the ensemble cast of your game, if not one of the leads.

Puis un style de jeu:

Passive: All romantic play is discussed OOC (“My character asks the guard if he would like to come to the tavern for an ale after his shift”) or through passing notes to the GM. This style works great in groups where the players are a little shy, or struggle a bit with interactive roleplaying.

Involved: The romance is played out IC (“You must be hot, stuck in that armor all day. Can I buy you an ale after your shift?”) to a certain point, then the scene “fades to black”. This style works well in most groups I’ve gamed with, because it’s very fluid and adaptable, and you can adjust it within the group to suit each player. It also gives some great roleplaying opportunities.

RP Everything: Every bit of the romance is played out IC. Every bit. Kisses are described in detail. Marriage vows are recited. The bedroom door could just as well be wide open. This style of play is clearly not for every group, though it can work well in a one-on-one private session, or with a small group of people who are very comfortable with each other. But depending on how emotional or sexy things get, this can be awkward for even the best of roleplayers. Also, in a large gaming group, a drawn-out scene between just two or three characters leaves the rest of the players bored and feeling left out. In my experience, I’ve found this style works best in a PbP game, where the players aren’t actually face-to-face.

On joue, là, c’est sérieux

Autre risque : la bouffonnerie. Difficile d’ouvrir son cœur à sa bien-aimée fictive lorsque autour de la table ricanements et vannes graveleuses jaillissent en continue. Difficile d’incarner son ambassadeur galactique cherchant à arrêter la guerre quand les scènes de mièvreries se succèdent et se ressemblent.

Si les thèmes de la romance et de la sexualité sont acceptés, il faut aussi se mettre d’accord sur la façon dont l’on veut les utiliser, que ce soit sur le mode de la détente et de la rigolade ou sur celui de l’immersion et du drame. Sans cela, grande sont les chances de déception…

Si l’option immersion et drame est choisie, on peut jouer les différentes phases d’une histoire d’amour : le coup de foudre et l’ouverture, le flirt, la cour, la déclaration, l’engagement, les ennuis et déceptions, le sexe, les enfants, le deuil.

Pour se ménager, instaurer une distanciation réconfortante, on joue à la troisième personne. Pour favoriser l’immersion, on opte la première personne. Puis, plutôt que d’annoncer de but en blanc « Tu tombes amoureux de », on peut raconter les sensations ressenties : palpitation excessive et arythmique du cœur, respiration accélérée, sensation de bouffée de chaleur et rougeur, joie & sourire ou tristesse irrépressible, énervement, ressentiment et colère envers un être jalousé, incapacité à réagir, pulsion, mains moites, balbutiement, etc. En restant dans le floue du subjectif, du sensitif, on émule les hésitements, les doutes de l’amour.

La romance, et après ? Sexe, mariage, enfant et deuil

 

Merlin emportant le jeune Arthur par N.C. Wyeth
Un enfant, et le déjà les emmerdes…

Jouer l’amour pour jouer l’amour, ça peut être un peu stérile. Il faut que la romance, comme les autres intrigues d’une aventure, évolue. On peut par exemple utiliser un aspect évolutif à la Fate pour marquer cette progression en fonction des succès et échecs des scènes de romance ou de celles qui l’impactent (enlèvement, compromission…) :

  • •    l’attraction (Jehanne est mignonne) ;
  • •    La reconnaissance (J’aime Jehanne la Folle) ;
  • •    La cours et la déclaration (Tout pour les yeux de Jehanne) ;
  • •    Le sexe (censuré) ;
  • •    Le mariage, avec l’accord de la famille/du seigneur, des autorités civiles/religieuses, la signature des papiers du divorce par l’ex, la cérémonie accomplie jusqu’au bout, etc. (Jusqu’à ce que la mort nous sépare) ;
  • •    Les déceptions et épreuves (Cocu) ;
  • •    La progéniture et la (belle) famille (Mon fils, mon sang, Une famille embarrassante). Certains jeux utilisent abondement les implications familiales : Ambre, Pendragon, Trône de fer ?
  • •    L’adultère, le divorce, le deuil (Je me/te vengerai, Jehanne !).

La suite: La romance dans le système