The End of The Song par Edmund Blair Leighton, domaine public.
(Une galerie de tableaux sur la romance)


Deux expériences de JDR récentes m’ont poussé à m’intéresser au traitement de la romance et de la sexualité dans le jeu de rôle. La première fut lors d’un scénario de Chtulhu-like où nous jouions des enfants. Nous avons assisté à l’enlèvement d’enfants par des trolls la nuit de noël et, lors de leur sauvetage, le MJ nous a décrit les traces de leur viol par ces trolls. J’ai trouvé ça dérangeant, déplacé et en total décalage avec le ton utilisé jusque-là dans les parties, qui tenaient plus de Scoubidou que de Chtulhu.

La deuxième fut à Rogue Trader, lorsque j’ai décidé que mon personnage, un seigneur libre-marchand, s’éprendrait d’une autre libre-marchande (PNJ) dans un contexte de dernier carré planétaire face à une croisade Ork et de devoir familial. Cette idée commencée comme une blague s’est transformée en scène de cours et s’est achevée par une confession sur l’oreiller et la peur du seigneur voyant sa bien-aimée partir au devant du danger Ork. Là, c’était crédible, sensible et dans le ton, avec une plus-value à l’immersion, à l’accroche du personnage dans l’histoire et aux possibilités scénaristique du MJ.

Dans un cas de figure, la sexualité a été imposée, décrite inutilement, et m’a pris par surprise. Dans l’autre, c’était un choix du PJ, d’abord proposé puis adopté, avec une scène mêlant séduction soft et diplomatie sans lien (mais concernant les autres joueurs) se terminant par un voile/ellipse pudique et apportant des ressorts dramatiques à l’histoire.

Fanart de Serendipity (Dragon Age 2) par naiadestricolor
Une Elfe troublante ou un Elfe troublant ?

A côté de cela, en tant que MJ, j’ai fait un coup qui aurait pu être mal pris. Lors d’une rencontre, les personnages de mes joueurs ont rencontré une elfe puissante et très sensuelle. Ni une ni deux, le troubadour lui a fait la cour et fut invité sans trop de difficulté dans son lit. Là, j’ai emmené le joueur à l’écart pour lui révéler le pot-aux-roses sur le ton de la rigolade pour détendre l’atmosphère : cette belle personne était un homme (comme son personnage). Marchant sur des œufs, je lui ai demandé s’il voulait poursuivre, il a dit ok, et on a tiré un voile pudique sur la nuit d’ébats qui a suivi. Le lendemain, le nain et mage beau-parleur a tenté sa chance, bien qu’il ait perçu le subterfuge. Hélas (?), il ne gagna pas le droit de faire un tour de manège. Le défilé en quelques jours des nombreux amants des deux sexes au côté de l’elfe fut une réponse sans équivoque sur le futur de leur relation.

Jusque là, notre groupe n’avait jamais vraiment abordé ou discuté ces questions, nous nous contentions de dire que nos perso allait aux putes le soir dans les auberges, à lancer quelques vannes graveleuse, à faire un test de séduction pour obtenir ce que nous voulions et à marquer éventuellement dans nos historiques que nous avions eu le cœur brisé. Je ne savais donc pas trop comment mon PNJ et ses actions allait être reçu par les joueurs.

L’amour et la sexualité sont dans toutes les relations humaines, donc il serait étrange de les exclure de la vie de nos personnages. Toutefois, chacun vit ses moments intimes différemment, et ce qui peut passer au cinéma ou dans un roman lorsque l’on est que spectateur (et encore…) s’aborde différemment dans un jeu où l’on incarne un personnage en interaction avec d’autres personnages-joueurs, que l’on ne connait parfois que par ce loisir. Il convient donc de prendre certaines précautions, mais il serait dommage de faire l’impasse sur la romance.

Des jeux prédisposés à la romance ?

Des jeux comme Vampire ou Changeling, dans des univers que certains qualifient volontiers de bit-lit (bite-littérature, ou littérature mordante, avec ces ados ou adultes voluptueux flirtant, avec des vampires, des loups-garous, des succubes), sont plus prédisposés à être le lieu de scènes de romance que d’autres. 

Il en est de même pour les jeux qui émulent des relations familiales complexes, comme Ambre ou peut-être le Trône de fer, ou un mode de vie basé sur l’amour courtois comme dans Pendragon. Château Falkenstein encourage d’ailleurs à la création de personnage à décrire dans son journal intime/feuille de perso sa vie sentimentale et son objectif amoureux, l’amour insoluble étant un élément primordial des aventures romantiques de l’ère victorienne.

D’autres jeux, enfin, sont spécifiquement dédiés à la question : Blue Rose, Breaking the ice, S/Lay W/Me, Romance érotique, My Supernatural Romance
 
Apocalypse World et son monde post-apo a ses sex moves, signes d’un relâchement des mœurs, ou du moins une banalisation de l’acte sexuel, dans un monde dévasté.

Mais tout jeu peut en théorie accueillir ce type de scène. Après tout, tous les films américains, qu’ils soient d’action, d’horreur ou de comédie, ne le font-ils pas ?

La suite: Pourquoi mettre de la romance dans votre jeu ?