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Tag - GN nordique

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« C’est pas du JDR », ou le continuum du rôle

En creusant la piste de la tradition danoise de scénarios, je suis tombé sur un article de Lizzie Stark (Freeform for Noobs) expliquant ce qu’était le freeform, qui peut définir cette tradition.

Au-delà de l’exposition intéressante de la polysémie de ce terme, elle introduit une notion qui a fait résonner plusieurs de mes interrogations sur les multiples formes du jeu de rôle (JDR sur table, GN, forum RP, cosplay…) et sur la volonté cartésienne des Français de tout mettre dans des boîtes, et donc d’exclure mutuellement les objets qui ne peuvent, ne doivent entrer dans plusieurs boîtes, où la rengaine « non, ça c’est pas du JDR » au sujet des storygames, du mouvement Jeepform, etc.

Cette notion qui lui a été soufflée par Juhana Pettersson (dont j’avais cherché en vain les ateliers de son GN adaptables à Monsterhearts) : le continuum « JDR sur table »-GN. Ainsi, il montre que le freeform est toute la zone poreuse entre ces deux pôles.

Tout de suite, il m’a paru logique d’étendre la notion sur un spectre plus large (des jeux de plateau au théâtre d’impro) et d’y inclure les storygames, qui se trouvent dans la même position que le freeform, à savoir une continuité poreuse s’étendant des jeux de plateau narratifs type Il était une fois… au freeform et englobant les JDR.

Voici ce que cela donne :

 

(Cliquer pour agrandir)

Qu’en pensez-vous ?

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Ajout de décembre 2018 : On pourrait compléter ce schéma en y incluant le happening, cette performance artistique qui exige une participation active du public, faisant de ceux-ci des acteurs avec leur part d'improvisation -ce qui les rapproches des personnages-joueurs du jeu de rôle- en le plaçant entre le grandeur nature et le cosplay.

Le BDSM aurait aussi sa place, au même niveau que le grandeur nature, puisque qu'il s'agit d'un jeu de rôle entre (généralement) deux personnes et sans public. D'ailleurs, certains outils de GN et de JDR, comme les safe words et les cartes de sécurité émotionnelle, s'inspire du BDSM.

La tradition danoise de scénarios

Il existe une école danoise du jeu de rôle sur table (même s’il y est mêlé des éléments de GN qui font que les rôlistes classiques parlent de JDR « semi-live »), et plus particulièrement de l’écriture de scénarios. C’est à la convention « Fastaval » qu’elle s’exprime le plus vivement, notamment lors de la remise de ses pingouins dorés, les Otto.

Cette tradition se caractérise en particulier par le soin qui est mis dans la rédaction des scénarios et la présentation, avec force détails sur les mises en scène et les aides de jeu. Leur principe : que chaque scénario soit complètement et facilement utilisable par tout le monde. Un modèle en a été tiré, le Fastawood model, mais je n’en ai hélas pas trouvé la trace en anglais.

L’autre caractéristique de cette tradition est l’innovation scénaristique. Plusieurs genres de scénarios ont ainsi été inventés depuis 1985 et le premier Fastaval :

Le scénario d’intrigue (intrigue scenario), où l’essentiel du scénario est inclus dans les personnages, leur background, leurs secrets, leurs motivations, et donc sur leur opposition. Cela fait penser à Lady Blackbird. Ex : Oculus Tertius (histoire de fantôme).

Le scénario narratif (storytelling scenario), basé sur un canevas d’improvisation, et qui a aussi évolué pour devenir un outil pour tout type de scénario. Ex : Jisei (drame samouraï).

Le roleplay externe (extras roleplaying), qui brise la notion « un joueur, un personnage » en utilisant le jeu en troupe (un joueur, plusieurs personnage, un peu façon Ars Magica), en répartissant et en faisant tourner des fonctions du MJ (un joueur qui joue successivement plusieurs personnages secondaires, la météo, la faune, etc. façon Polaris : tragédie chevaleresque au septentrion). La aussi, c’est devenu un outil de conception de scénario à part entière.

Les histoires courtes (short story scenario), concentrées sur un thème ou une idée et conçues pour être jouées en 2 heures maximum. Ex : The Empire (basé sur Warhammer).

Les scénarios expérimentaux (experience scenario) qui exploitent l’effet Bleed en brisant la barrière entre joueur et personnage. Ex : Fat Man Down (sur l’obésité) ou The Journey (survival horreur).

Les scénarios à troupe (ensemble scenario), où chaque PJ incarne plusieurs personnages importants dans la fiction. Ex: The Joust.

Et avec l’apport de la théorie GNS de la scène indépendante américaine, cela a donné Montsegur 1244.

Enfin, des expérimentations sont menées en ce qui concerne des scénarios sans MJ, ou au contraire avec plusieurs co-MJ.

Je vous laisse lire l’article pour découvrir plus en détail cette tradition scénaristique danoise : The best one-shots in the world : the Danish scenario tradition 

Et voici un florilège de scénarios danois traduits en anglais : http://alexandria.dk/english